Blog / Soft Skills / L’intuition pour prendre de bonnes décisions en période d’incertitude?

L’intuition pour prendre de bonnes décisions en période d’incertitude?

Dans cet article, nous explorons l’importance de l’intuition dans la prise de décision et le leadership. Etat de l’art, biais et bon usage de ce sens.

Comme nous sommes confrontés à un niveau d’incertitude sans précédent, il est naturel que nous cherchions des moyens de mieux naviguer dans ces eaux inconnues. Chez b-flower nous accompagnons de nombreuses entreprises sur les thématiques de management, de leadership et les problématiques de prise de décision, de changement et d’incertitude sont des sujets de discussion fréquents. Face à ce manque de contrôle et de maîtrise de l’information, certains – dont des scientifiques – avancent cette idée : faire confiance à l’intuition lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. Mais l’intuition est-elle vraiment un guide fiable en période d’incertitude ? Pour répondre à cette question, examinons de plus près les travaux de recherches sur l’intuition. Nous allons explorer les moments où elle peut être le plus utile et les pièges à éviter lorsqu’on s’y fie trop pour prendre des décisions. Nous verrons également pourquoi les biais cognitifs peuvent nous égarer et comment nous pouvons nous assurer que nos intuitions ne nous mènent pas sur un chemin dangereux. En comprenant la science qui sous-tend l’intuition, vous pourrez commencer à développer des stratégies plus efficaces pour naviguer à travers les incertitudes avec plus de confiance et de clarté.

État des lieux de la prise de décision pour les dirigeants français.

En février 2020, l’entreprise Oracle Netsuite a mené une étude auprès de 1000 dirigeants français et européens (managers ou supérieurs) et le résultat est assez surprenant. La prise de décision, une angoisse pour 82% des dirigeants français. Les principales causes étant :
  • 43% d’entre eux craignant que leurs décisions n’affectent le chiffre d’affaires de l’entreprise,
  • 23% redoutant une atteinte à leur réputation,
  • 13% s’inquiétant de la perte de leur emploi.
Pour les entreprises se considérant comme “les plus performantes », 62% de leurs responsables préfèrent prendre une décision moins risquée même si elle peut conduire à une baisse des performances espérées.

Quelles sont les causes mises en avant ?

  • 99% des sondés incriminent la quantité excessive de données dont ils sont inondés.
  • Le manque de temps pour évaluer les risques avant une prise de décision est aussi mis en avant par 1/3 des managers.
Ce qui amène 7 cadres sur 10 à se fier à leur instinct pour prendre des décisions. Après ce bilan peu réjouissant pour la rationalité humaine, je vous propose de creuser le sujet de l’intuition et ce que la recherche peut en dire.

Qu’est-ce que l’intuition ?

L’intuition est la capacité de comprendre quelque chose instinctivement sans avoir besoin de raisonnement conscient ou d’attention ; c’est une forme de connaissance directe obtenue par le sentiment et la perception. Notre savoir est incorporé, et des recherches en gestion suggèrent que nous acquérons notre compréhension du monde en utilisant tous les aspects de nous-mêmes. L’intuition fait appel à des composantes mentales et physiques pour détecter ce qui aurait pu passer inaperçu auparavant. Prendre le temps de prendre conscience de nos réactions émotionnelles et physiques peut nous aider à mieux nous connecter à notre environnement.

La controverse sur l’intuition

Il existe une tradition de longue date dans le système éducatif occidental qui consiste à se concentrer sur la connaissance intellectuelle tout en réprimant la connaissance sensorielle. D’après certains chercheurs, cela signifie que les individus ne font pas autant confiance aux connaissances sensorielles. L’une des raisons en est qu’il est difficile de comprendre comment quelqu’un peut savoir quelque chose en utilisant uniquement ses sens et de notre incapacité à suivre la progression logique de la connaissance. 1

Le cadre de la recherche sur l’intuition

Malgré cet état, il semble que dans une situation d’incertitude, où la flexibilité cognitive peut être plus utile qu’une analyse supplémentaire, le recours à l’intuition est inévitable. L’intuition est conceptualisée comme une connaissance directe par la détection et la prise de conscience, l’une ou l’autre ou les deux pouvant se produire sans raisonnement ou attention conscients. En 2005, 2 chercheurs ont proposé des moyens de mesurer l’utilisation de l’intuition dans un modèle de prise de décision combinant le processus analytique et l’intuition.
“Dans le domaine de la prise de décision managériale, l’une des approches évaluées est le recours à l’intuition. Sur la base de notre définition de l’intuition comme un mode de traitement de l’information non séquentiel, qui comprend à la fois des éléments cognitifs et affectifs et aboutit à une connaissance directe sans recours à un raisonnement conscient, nous développons un modèle testable de prise de décision analytique-intuitive intégrée et proposons des moyens de mesurer l’utilisation de l’intuition.” 2 
Ce document sert de cadre et est cité dans 290 articles de recherche, livres et conférences et est classé dans la catégorie du management. Continuons l’exploration.

Une relation entre la prise de décision intuitive et la performance de l’entreprise ?

Dans son étude “Intuitive decision-making and firm performance”, l’auteur Richard Szanto de Corvinus University of Budapest énonce que
“Au lieu de procéder à une analyse complète, les dirigeants d’entreprise écoutent souvent leurs intuitions ou se fient à leur expérience passée ; l’intuition joue donc un rôle essentiel dans la gestion.”
Même s’il constate que :
“une approche optimisante et rationnelle de la prise de décision est plus populaire parmi les personnes interrogées qu’une approche intuitive basée principalement sur des sentiments instinctifs et l’expérience personnelle”.3
Sa conclusion montre que
“[…] la prise de décision basée sur l’expérience passée et les estimations et intuitions d’experts est généralement associée à de meilleurs résultats commerciaux et à une meilleure performance opérationnelle basée sur la rentabilité. En outre, nous avons constaté que les entreprises qui sont mieux préparées au changement et qui ont une plus grande capacité à le gérer plus efficacement utilisent plus souvent une approche décisionnelle intuitive que celles qui sont moins réactives au changement. […]. Cependant, il a également été démontré que la prévalence des approches intuitives peut être liée à d’autres facteurs (par exemple, l’implication de la direction, la présence sur les marchés étrangers, la composition de la direction de l’entreprise, etc.)”.4
Cela paraît intéressant pour le camp de l’intuition, mais l’étude n’indique pas quelle est la part de l’intuition et celle de l’analytique dans le processus de décision et comment ces 2 parties sont associées ou non. Et la recherche sur les biais cognitifs montre que l’intuition peut être trompée.

Rappel sur les biais cognitifs

Si certains se fient à leur intuition pour prendre des décisions, cette approche peut être malavisée et nous égarer. Il est à noter que les études remontées dans cet article n’illustrent pas la prise de décision uniquement par l’intuition mais en mêlant un procédé intuitif à une approche rationnelle ou analytique. L’intuition est souvent considérée comme une forme de sagesse, et dans de nombreux cas, il peut être sage de s’y fier. Toutefois, la recherche a montré que nos intuitions peuvent être faussées lorsque nous tentons de prendre des décisions. Par exemple, des études ont démontré le pouvoir des biais cognitifs tels que le biais de confirmation, le biais de rétrospection et l’ancrage qui nous amènent souvent à prendre des décisions qui ne sont pas dans notre intérêt. Dans Influence et Manipulation, Robert Cialdini plonge dans les profondeurs des biais humains et la façon dont certains individus les utilisent pour manipuler leurs cibles.5 Il est donc important d’être conscient de ces biais cognitifs et de la manière dont ils peuvent influencer notre processus de prise de décision. Nous devons également reconnaître la nécessité de recueillir davantage d’informations avant de prendre une décision, plutôt que de nous fier uniquement à notre intuition.

L’intuition dans la démarche scientifique

La démarche scientifique est une démarche très rigoureuse mais elle dispose d’un lieu où l’intuition joue un grand rôle: l’élaboration des hypothèses de recherche. Les hypothèses sont souvent déterminées par l’intuition du chercheur, sur la base de la combinaison de ses connaissances antérieures, de son expérience, de son intuition et dans les limites de l’état de l’art de son domaine de recherche. L’étude qui suit la définition des hypothèses permettra au chercheur de recueillir des preuves pour tester ses hypothèses. Cette démarche a été reprise dans le monde du business, à travers, par exemple, la méthode Lean Startup, développée par Eric Ries. Cette méthode vise à réduire les incertitudes, tout en limitant les coûts, lors de création d’un nouveau produit ou service, en partant d’un nombre d’hypothèses que l’on va chercher à valider ou réfuter à travers une série de cycles courts de “Build, Mesure, Learn”. Chaque cycle étant testé auprès de l’audience visée.

Décider en se concentrant sur les conséquences plutôt que sur la probabilité

Une autre approche intéressante, qui nous vient de Nassim Table, dans son livre “Le Cygne Noir”; l’auteur développe une démarche à la prise de décision basée sur les conséquences potentielles du risque. Selon l’auteur, il est préférable de se concentrer sur les conséquences potentielles d’un événement plutôt que sur sa probabilité d’arrivée.
“Cette idée que pour prendre une décision, on a besoin de se concentrer sur ses conséquences (que l’on peut connaître) plutôt que sur sa probabilité (que l’on ne peut pas connaître), est l’idée centrale de l’incertitude, sur laquelle est fondée la majeure partie de ma vie.”6
Et d’en conclure:
“Mettez-vous dans des situations qui comprennent beaucoup plus de conséquences favorables que de conséquences négatives.”7
L’idée tient donc en 3 points:
  • identifier et définir les conséquences d’un événement
  • prendre des décisions en maximisant les conséquences favorables
  • trouver des moyens de compenser les conséquences défavorables ou de les éviter
De ces 3 points, celui où l’intuition est le plus mis à contribution est selon moi, l’identification des conséquences.

Conclusion

En conclusion, l’intuition est un outil qui a son utilité et peut aider à prendre des décisions en période d’incertitude. Nous le savons, nos sens interceptent beaucoup plus d’informations que notre cerveau conscient est capable d’en traiter et c’est là que l’intuition intervient. Être attentif à soi, aux autres et à son environnement peut fournir des informations précieuses qui peuvent aider à la prise de décision. Toutefois, cette démarche doit toujours être associée à une analyse des conséquences potentielles de la décision. Et il est important d’être conscient des limites de nos intuitions, en étant conscient des pièges que peuvent nous jouer nos biais cognitifs.

Vous souhaitez aller plus loin dans la réflexion ?

b-flower peut vous aider à faire réussir vos équipes dans un monde incertain et complexe.

En développant le leadership de vos managers, pour les aider à relever les défis, piloter les transformations, prendre des mesures dans un moment critique… tout en créant une atmosphère stimulante au sein de vos équipes.

Newsletter